Vers une éducation à l’urbanité et au développement durable

Olivier MARTEL, responsable de l’éducation au développement durable/Grand Lyon -FRANCE / Email : omartel@grandlyon.com – Novembre 2007

 Depuis plusieurs années, les villes s’organisent pour être mieux reconnues, en réseau (Eurocités, Global City, réseau international des villes éducatrices…) et certaines se sont engagées vers un développement durable (plus de 600 villes européennes ont signé la charte d’Aalborg/1994),(charte des communautés urbaines de France engagées pour un développement durable/octobre 2007…).

Par ailleurs, la ville est un environnement en soi. En ce sens, habiter le temps et l’espace de son environnement urbain peut être est un support pédagogique, comme les milieux naturels le sont pour l’éducation à la nature.

Entre les discours de ceux qui disent sauver les urbains dans leurs rapports à la nature en les emmenant à l’extérieur des villes par des actions pédagogiques, et ceux qui considèrent que parmi les plus grands pollueurs, ce sont les habitants qui habitent la campagne, favorisant les infrastructures et l’étalement urbain, prônant ainsi une ville dense et de Haute Qualité Environnementale ; l’éducation, outil de médiation a toute sa place.

L’éducation à la ville n’échappe pas aussi à une réflexion sociétale. En France, le renversement de la pyramide d’âge va modifier la structure psychique de la société (de moins en moins de jeunes et plus de seniors). Pour favoriser le lien social, le vivre ensemble, les projets éducatifs  intergénérationnels sur la ville s’amplifient.

Eduquer aux générations futures, c’est éduquer aux lendemains, donc avoir une vision prospective de la ville et de la métropole.
Dans cet esprit, le travail pédagogique sur les villes utopiques (imagines ta ville, bouges ta ville….) s’effectue déjà depuis longtemps (1)  

L’éducation aux projets urbains prend en compte plus facilement le renouvellement urbain. Un séminaire de Citéphile, réseau français d’éducation à l’environnement urbain s’intitulait : « espaces publics et transformations urbaines » (2)

 Avec la démocratie participative, les formes d’expressions de politiques s’organisent en quatre fonctions : concerter, communiquer, former, éduquer.

Un débat a donc lieu sur le fait que la concertation sur un projet urbain précède-t-elle l’éducation au projet urbain ou vice versa ? Sans réponse modélisante, car spécifique à chaque projet, ce débat tente de clarifier et de préciser les interrelations entre ces fonctions.
L’éducation à l’environnement a aussi évolué sur des interventions relevant de la prise de conscience, puis vers des actions reliées au territoire, et désormais, en partie sur un engagement de changements de comportements.

Quand le psychologue  Jean Piaget déclarait « l’action engendre la pensée », les critiques fusèrent au nom  principe que les valeurs entraînent la pensée.
La théorie de l’engagement et avec des applications tels que les travaux de Robert- Vincent  Joule (3) sur la communication engageante opère un retour de balancier. De nombreux exemples d’écoattitudes sur les villes se multiplient.

 

En France, historiquement, l’éducation à l’environnement est associative avec quelques enseignants militants, naturalistes et dans les écoles primaires.

L’éducation à l’environnement est basée sur les milieux, sur une société de lieux, débouchant sur une éducation au territoire.
Plus on marche dans un lieu, plus on habite ce lieu. Le développement des types de balades en est une illustration (balades touristiques, balades urbaines animées par des guides du patrimoine le plus souvent, balades sensorielles en ville, balades citoyennes organisées par des habitants qui font découvrir leurs quartiers à d’autres habitants, balades virtuelles où la méthodologie de l‘hyperpaysage (4) est moteur. La lecture du paysage urbain par des enquêtes, la littératie urbaine comme le définit Diane Pruneau de l’université de Moncton (Canada) complètent la panoplie des pistes pédagogiques.

 

Parce qu’elle touchait dans la vie quotidienne le citoyen, une éducation à l’environnement de proximité a fleuri. En dehors des thématiques classiques sur l’eau en ville, sur les déchets, sur le parrainage de plantations d’arbres en ville, ou sur les énergies (5), la structuration de l’éducation à l’environnement sonore est récente. Les appels à projets sur ce sujet de la Fondation de France ont joué un rôle, associant des acteurs, de l’éducation à l’environnement, de l’éducation aux médias (radios) et d’artistes (musiciens).

Il ne s’agit pas d’appliquer uniquement la directive européenne sur le bruit et ses mesures, mais de considérer qu’une ville sonne, et dans la  manière de sonner, la ville peut modifier les comportements de ses habitants. Des pistes pédagogiques et des outils ont aussi été créés (6)

Dans ce contexte, l’éducation à l’environnement urbain issue de l’éducation à l’architecture, au patrimoine, tout en sachant que ces actions se poursuivent, a évolué vers une éducation à la ville avec les apports de la citoyenneté (bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale de Février 2000 qui a vu surgir les classes de villes où les élèves découvrent et s’approprient leurs propres quartiers avec une approche citoyenne)

 

L’éducation à l’environnement urbain est impactée par une société de flux (migrations des biens et des personnes…)

L’éducation à la mobilité est devenue très présente dans l’éducation à la ville durable. Les pédibus en sont un exemple en pleine expansion. Plus de 69 écoles ont des lignes quotidiennes de pédibus dans l’agglomération lyonnaise (7), qui ne se limitent pas à une éducation à la mobilité, à une réflexion aussi sur le temps (réseau national Tempo), au débat sur les villes lentes (réseau international « slow cities », inspiré des « slow food »), mais à une réappropriation citoyenne de la ville, du chemin de l’école, de l’espace public.

Après l’éducation au corridor écologique ( la faune sauvage qui se déplace), au corridor humain (les pédibus), une prochaine démarche complémentaire  serait une éducation au corridor métropolitain (par exemple, éduquer à la métropolole, au SCOT). Ce qui signifie changer de paradigme, au lieu du « pensez globalement, agir localement », se repositionner mentalement sur « pensez localement, agir globalement ».

Les métropoles ont plus de lien avec les autres métropoles qu’avec leurs « arrière – pays » respectifs. L’éducation n’est pas épargnée par ce phénomène. Le sentiment de proximité n’est plus forcément lié au kilométrage. Les échanges entre praticiens de l’éducation à la ville et à la métropole en sont le reflet. D’où aussi, une meilleure organisation collective est à produire pour l’écoute des « arrière-pays » des métropoles.

 

 L’éducation au développement durable est d’abord de l’éducation. Dans le cadre de la recherche internationale sur l’éducation relative à l’environnement (discipline universitaire qui n’existe pas encore en France), une quinzaine de courants sont identifiés (8).  

Deux semblent importants sur l’éducation à la ville :

  •  le courant de développement communautaire. La thèse de doctorat de sciences de l’éducation de Carine Villemagne (Université du Québec à Montréal et université de Rennes 2) sur l’éducation relative à l’environnement en milieu communautaire urbain fait référence, thèse initiée à partir d’une étude des             écoquartiers de Montréal,

            provenant d’une démarche de coconstruction écocitoyenne et collective pour embellir     son quartier par des actions pédagogiques

  • le courant de l’ethnopédagogie consiste en une mise en valeur pédagogique de la mémoire des habitants. Sur l’agglomération lyonnaise, l’association        Science et Art en est une illustration concrète sur les mémoires et les savoirs des habitants, sur le rapport avec le fleuve Rhône et le territoire de l’anneau bleu en vue d’une autonomie écocitoyenne resituée dans l’histoire. Après des enquêtes ethnologiques, la méthode déployée est de produire une création artistique collective pour favoriser un engagement écocitoyen. 

L’avènement du développement durable ne menace par l’éducation à la ville ; il en est une continuité partielle.

Dans le plan d’éducation au développement durable du Grand Lyon (9), voté en juillet 2006, une éducation à la ville est confortée. La construction de maquettes pour découvrir sa ville et son fonctionnement s’effectue dans les écoles, ou auprès d’enfants hospitalisés (l’hôpital Debrousse  à Lyon). L’outil « la ville en valise » créé par l’association Robins des villes avec le soutien du Grand Lyon en est un exemple. Avec la fédération des centres sociaux du Rhône, la réflexion sur un agenda 21 d’un centre social est en cours, avec toutes ses dimensions pédagogiques, de l’enfant, du senior, de la famille.

 

Le développement durable favorise aussi le croisement d’acteurs concrets de l’éducation à l’environnement, de l’éducation au développement et de l’éducation à la santé pour imaginer de nouvelles niches pédagogiques et de futurs projets.

Toutes ces approches conduisent à réenchanter la ville, à aimer la ville, douce et agréable à vivre, à sentir et à goûter la ville….(10)

Il faudrait agir et parler d’éducation à l’urbanité, où toutes les facettes de l’humanisme puissent s’exprimer.

 

(1) voir l’exemple de la ville de Québec dès 1995, réalisé avec de nombreuses écoles

(2) site : www.citephile.org

(3)voir les travaux de R.V. Joule, professeur de psychologie sociale sur l’environnement à l’université de Provence et les actes des colloques « Ecocitoyenneté, des idées aux actes » organisées par la région et l’Ademe Provence Alpes côte d’Azur

(4) Méthode développée par Christine Partoune, dans une thèse de doctorat de sciences de l’éducation en Belgique. Voir le site www.hyperpaysage.com

(5) « Education à l’énergie – préparer les consommateurs d’énergie de demain » – commission européenne/direction générale de l’énergie et des transports 2006

(6) « Ecoutez la ville,  pour une éducation à l’environnement sonore », guide multipartenarial piloté par l’Apieu à  Montpellier 2005

(7) Les pédibus sont la résultante d’un plan de déplacement domicile-école, organisé par des parents volontaires et bénévoles :  www.grandlyon.com/pedibus

(8) Travaux de Lucie Sauvé, la chaire de Sciences de l’éducation à l’environnement à l’UQAM de Montréal. Voir le site www.unites.uqam.ca/ERE-UQAM/

(9) Le plan d’éducation au développement durable du Grand Lyon est consultable sur

www.grandlyon.com

(10) Ville durable – mode d’emploi – Territorial éditions – Août 2007